Le mouvement associatif social joue un rôle de plus en plus important dans la vie politique, économique et socioculturelle du pays. Il suscite des débats contradictoires, souvent passionnés, quant à la perspective de l’implication des citoyens et de ce qu’il convient d’appeler la “Société civile” dans la prise en charge des problèmes posés par le développement. Mais au delà de sa pertinence, le questionnement autour de l’efficacité du mouvement associatif en Algérie doit être replacé dans le contexte historique qui a prévalu à son émergence .
La genèse du mouvement associatif en Algérie.
Contrairement à certaines idées reçues la dynamique associative en Algérie plonge ses racines dans une histoire dense et complexe qui remonte aux années 20.
En effet, il semble que le véritable essor du mouvement associatif en Algérie date des années 1920. Après la première guerre mondiale, ce mouvement, utilisant les possibilités de la loi 1901, sera centré autour des questions culturelles.
Par la suite, à la fin des années trente et au début des années quarante, plusieurs corporations voient le jour à l’instar de la région de Bejaia qui a vu l’apparition des premières corporations professionnelles : Agents généraux d’assurances, conditionneurs de figues sèches, détaillants de tabacs, négociants en céréales, industriels du liège, épiciers détaillants, laitiers, primeuristes, ouvriers agricoles, marchands de beignets et gâteaux.
Il va de soi qu’à la suite de M. LACHERAF, nous pouvons affirmer que toutes ces associations vont jouer un rôle essentiel dans la prise de conscience des populations et surtout dans l’installation de la base du mouvement national. En effet, cet auteur soulignait que « Nos compatriotes, bien que démunis de beaucoup de possibilités, s’étaient ouverts, comme par effraction, sur le monde moderne et puisaient, en même temps dans le vieux fonds des traditions maghrébines, des valeurs socialement utiles ou perfectibles, des habitudes de vie sobres et décontractées, la modestie, la pudeur, le sens de la dignité et de la cohésion communautaires. Cette Algérie là… s’était créée contre vents et marrées en repoussant de toutes ses forces l’aliénation multiple imposée par le colonialisme en forgeant, du même coup et à longue échéance, les instruments concrets (psychologiques, organisationnels et moraux) de sa lutte de libération » (1).
Le déclenchement de la guerre de libération puis les impératifs de la construction de l’État national après l’indépendance ont freiné l’extension du mouvement associatif. De ce point de vue DERRAS note que « durant la structuration de l’Etat-nation, les excès de l’hégémonie de la puissance étatique sur les institutions, sa conception globalisante de l’ordre social et surtout les a priori défavorables, ont freiné toute tentative d’autonomisation de groupes sociaux et des actions collectives organisées ou non en extériorité de l’Etat » (2).
En effet, dès l’indépendance, la législation algérienne a rigoureusement contrôlé le champ associatif. La circulaire de mars 1964 et l’ordonnance de 1971 ont accordé à l’administration des pouvoirs élargis pour contrôler la création et le fonctionnement des associations. L’ordonnance du 03 décembre 1971, modifiée par celle du 07 juin 1972, a autorisé l’établissement d’associations culturelles, sportives, artistiques ou religieuses. En son article 2, elle stipule que la création d’une association doit requérir un triple agrément: l’un du ministère de tutelle, le second du ministère de l’intérieur et le troisième, du représentant de celui-ci à l’échelon local. Autant dire que ces mécanismes procéduraux ont constitué une contrainte majeure à l’émergence et au développement du tissu associatif en Algérie.
C’est en 1987, à la suite de la promulgation de la loi 87-15 du 21 juillet 1987, que les pouvoirs publics afficheront une certaine volonté de libérer la vie associative. Malheureusement, le retard était déjà considérable. Ainsi, les chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur à cette époque faisaient état de l’existence de 11 000 associations à l’échelle nationale (3). A titre de comparaison, à cette même période, il existait plus de 500 000 associations en France. Cette loi, loin d’être libératrice (4), a néanmoins permis d’enclencher le processus de structuration du mouvement associatif rattaché à certains espaces strictement délimités et identifiés à l’instar des sociétés savantes, des associations de parents d’élèves et des associations caritatives.